(24-11-2021 15:39)gtrs57 a écrit : (24-11-2021 15:01)Raph a écrit : Pas facile d'etre VEiste ici Ce qu'on ramasse
C’est de bonne guerre. Un topic VE en plein forum 911 est une énorme provocation.
Voilà l'Article
Comment les constructeurs esquivent la garantie des voitures électriques
Par Nicolas Meunier
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Publié le 24.11.2021 à 07h30
EXCLUSIF – La batterie est l’élément le plus coûteux d’une voiture électrique. Si tous les modèles vendus sur le marché offrent une garantie pour cet élément vital, les constructeurs ont trouvé des subterfuges pour ne pas l’appliquer. Notamment en bridant la capacité des modèles neufs.
Comme la plupart des modèles électriques, la Renault Zoé voit sa batterie bridée électroniquement. Sa capacité peut ainsi être reprogrammée en concession lors d'une demande de prise en charge, ce qui est moins coûteux qu'un remplacement.
La batterie, c’est véritablement le cœur d’une voiture électrique. Cet élément, dont dépendent tant l’autonomie que les performances dynamiques, représente une proportion importante du prix d’achat. Pourtant, les cellules sont sujettes à la dégradation au fil des mois. Cela dépend beaucoup des conditions d’utilisation, comme le rappelle Guillaume Hébert, fondateur de La Belle Batterie, une start-up qui propose de délivrer un certificat de santé des batteries, pour faciliter la revente ou l'achat d’une voiture électrique d’occasion. "Le recours régulier à des charges rapides de forte puissance peut fatiguer les cellules, mais c’est surtout le vieillissement calendaire qui est un facteur aggravant. C’est-à-dire une batterie qui n’est pas utilisée pendant plusieurs semaines, parce que la voiture reste immobilisée sur un parc logistique, par exemple. Cela peut sembler étonnant, mais les batteries qui ont beaucoup de kilomètres, qui ont été utilisées très régulièrement, vieillissent souvent mieux."
Comme une voiture essence ou diesel, une voiture électrique vieillit donc plus ou moins bien selon son utilisation. Pour autant, les constructeurs se doivent de garantir à leurs clients un niveau de performance acceptable au fil des ans, pour les rassurer sur leur achat. Nécessaire, quand on sait que le remplacement de la batterie d’une Nissan Leaf de première génération coûte aux environs de 8.000 €! Voilà pourquoi ils proposent tous une garantie spécifique sur la batterie, qui surpasse celle appliquée à la totalité de la voiture. Celle-ci assure un niveau de performances (en général entre 70% et 80% de capacité restante) au-dessous duquel le client est en droit de demander réparation. Et cela, sur 8 ans, associée à un kilométrage de 160.000 km, dans la plupart des contrats. Une durée qui a sa justification, comme nous l’avouait il y a quelques années un cadre d’un constructeur, lors du lancement d’un nouveau modèle électrique: "Après huit ans, une voiture n’est plus cotée à l’Argus. Elle n’a pour nous plus d’existence économique."
Des batteries neuves volontairement bridées
En étudiant de près les batteries des modèles présents sur le marché de l’occasion, Guillaume Hébert a découvert les stratégies mises en place par les constructeurs pour éviter de devoir effectuer de coûteux remplacements de batteries. "Sur les Renault Zoé dotées de la batterie de 41 kWh, par exemple, c’est bel et bien cette capacité qui est disponible sur la voiture neuve en sortie d’usine. Mais nous avons observé plusieurs cas où, après un passage en concession pour garantie, il a suffi d’une reprogrammation du BMS (Battery Management System, le cerveau électronique de la batterie, NDLR) pour que la batterie qui n’avait plus que 75% de sa capacité en retrouve 98%."
Une reprogrammation pour retrouver toute la capacité de sa batterie, est-ce une opération miracle? Pas vraiment! Car cela signifie qu’il s’agit là d’une stratégie de la part du constructeur, qui prévoit dès la conception de sa voiture l’éventualité d’un passage en concession pour faire jouer la garantie. Dans le cas de la Renault Zoé, la capacité réelle de la batterie est bridée en sortie d’usine. C’est-à-dire qu’une portion des cellules ne peut pas être utilisée par le client: la voiture réduit volontairement son autonomie de quelques dizaines de kilomètres. Sur la toute première génération de Zoé, la batterie affichait une capacité de 22 kWh, à laquelle s'ajoutait une "réserve" estimée entre 2 kWh et 4 kWh. Ce qui signifie que Renault interdisait à ses clients d'utiliser de 7% à 15% d'une batterie dont la capacité utile aurait pu être supérieure.
Lorsque le client constate une dégradation, la reprogrammation permet de débloquer cette capacité "cachée". Ce ne sont pas à proprement parler des cellules toutes neuves qui sont activées pour remplacer d’autres défaillantes (ce serait trop compliqué d’un point de vue de l’architecture électrique de la voiture), mais la gestion électronique de la batterie se met à autoriser des taux de charge et de décharge supérieurs dans les cellules. En sortie d'usine en effet, ces valeurs sont en-dessous de ce qui est acceptable, pour jouer la prudence. Brider les performances pour garantir sa longévité, cela rappelle le "Batterygate", scandale qui a éclaboussé Apple, contraint par la suite de remplacer à ses frais de nombreuses batteries d’iPhone.
Une simple reprogrammation pour retrouver 98% d'autonomie
De multiples témoignages sur des forums dédiés à la Renault Zoé font état de cette reprogrammation qui permet de repasser de 75% à 98% d'autonomie, dont la prise en charge est aléatoire d'un point de vente à l'autre. Certains concessionnaires indélicats font payer de 300 € à 500 € la reprogrammation de la batterie, facturée comme une "mise à jour des calculateurs", alors même que cette opération correspond à l'engagement de la marque de conserver un niveau de capacité de 75%. A contrario, certains chefs d'ateliers complaisants acceptent de reprogrammer, à la demande des clients, des batteries encore en bon état, pour améliorer l'autonomie. Moyennant finances évidemment.
Si le problème a été mis en évidence sur la Renault Zoé, c’est parce qu’il s’agit là du modèle le plus courant sur le marché de l’occasion. Mais ce type de pratique n’est pas l’apanage du constructeur français, comme le rappelle Eric Champarnaud, président du cabinet d’analyse Autoways. "A la suite de l’ouragan Dorian qui a touché le sud-est des Etats-Unis en 2019, Tesla a débloqué temporairement à distance la capacité des batteries de certains de ses modèles pour faciliter l’évacuation des populations touchées". Parmi les modèles concernés, la Model S 60 disposait en réalité d’une batterie de 75 kWh, bridée à 60 kWh, pour limiter le nombre de références en usine. Un bridage électronique interdisait donc aux clients d’utiliser 20% de la batterie et la nouvelle a fait grincer les dents de quelques propriétaires. Mais il s’agissait dans ce cas d’une raison marketing (proposer une gamme de plusieurs versions à partir d’un seul modèle) plus que d’une volonté de protéger la batterie sur la durée, ce qui est le cas sur les modèles d’autres marques.
"Je vois un avantage immédiat à ce bridage des batteries pour les sauvegarder", reprend Eric Champarnaud. "C’est celui d’offrir un niveau de performances constant sur toute la durée de vie de la voiture. Cela permet de maîtriser sa valeur sur le marché de l’occasion, avec deux conséquences. D’une part cela baisse les loyers en location longue durée sur les trois premières années de vie de la voiture. Et en rendant les voitures électriques plus attractives sur ce dernier canal de vente, cela assure une offre abondante sur le marché de l’occasion, précisément ce qui bloque le développement de la voiture électrique aujourd’hui". Sous couvert d'anonymat, un ingénieur de Renault confirme que la pratique existe, y compris chez d'autres constructeurs.
Une pratique généralisée chez presque tous les constructeurs
"Le problème de ce genre de stratégie, c’est qu’il n’est pas possible de multiplier les reprogrammations", reprend Guillaume Hébert. "On peut en faire une, deux à la rigueur. Le danger, c’est d’acheter une voiture d’occasion qui offre quasiment toute sa capacité, alors qu’il n’y a plus de joker derrière. En apparence tout va bien, avec une autonomie affichée au tableau de bord conforme à un modèle en bon état, mais dans les faits, la batterie est parfois très dégradée. Notre certificat permet d’y voir plus clair."
Si on manque encore de recul sur les modèles les plus récents, peu abondants sur le marché de l’occasion et qui n’ont pas encore été "retravaillés" lors de passages en concession, il semblerait que ce genre de subterfuge soit quasiment généralisé dans l’industrie automobile. Avec une exception: le Kia e-Soul de première génération, qui fait partie des modèles qui peuvent être certifiés par la jeune pousse, dispose d’une autre stratégie. "Chez Kia, on vous livre la voiture avec une batterie qui offre une capacité supérieure à ce qui est indiqué sur la fiche technique. Si bien que le constructeur estime que le client est parti d’un SOH (State Of Health, l’état de santé de la batterie, NDLR) de 110% quand on lui a livré le véhicule, et non de 100%. Arriver à la limite des 75% de la garantie est donc plus difficile."
Avec son certificat, La Belle Batterie espère mettre un peu d’ordre sur le marché de la voiture électrique d’occasion, pour l’instant aussi balbutiant qu’incertain. Faute de pouvoir réellement jauger l’état des modèles qu’ils achètent, bon nombre de professionnels n’acceptent de racheter des voitures électriques qu'à un tarif duquel est totalement déduit le coût de la batterie. Cette attitude contribue à rendre la valeur résiduelle de ces modèles totalement aléatoire, et par ricochet, à faire grimper leur coût de possession. Savoir combien sa batterie a brûlé de "jokers" apparaît donc nécessaire quand on veut acheter une voiture électrique d’occasion. Sachant qu’il n’y a pas de miracle. "Généralement, la garantie des constructeurs est bien dimensionnée, avec une capacité résiduelle qui atteint juste la limite en fin de garantie", admet Guillaume Hébert. Bref, si les moteurs électriques sont plus simples et fiables que les thermiques, acheter une voiture d’occasion comportera toujours une part de risque.