Plébiscités par les automobilistes malgré leur prix élevé, les hybrides rechargeables qui cumulent un moteur à essence et un moteur électrique doté d’une batterie rechargeable, sont-ils menacés d’extinction? Ce serait un cataclysme pour l’industrie automobile qui mise très largement sur ces ventes pour assurer l’électrification de sa production. L’an dernier, sur un million de véhicules électrifiés (100 % à batterie et hybrides rechargeables) vendus en Europe, près de la moitié étaient des hybrides rechargeables. En France, leur succès se confirme. En avril leur part de marché dépassait même celle des véhicules 100 % électrique.
Mais cette dynamique pourrait être cassée par la volonté de Bruxelles de durcir la réglementation sur les niveaux moyens d’émissions de CO2 des véhicules neufs. De leur côté, les gouvernements qui ont soutenu l’achat de ces voitures «électrifiées», équipées de batteries capables d’émettre peu de CO2 en ville ou en agglomération, vont cesser de les subventionner. En janvier 2022, le bonus écologique de 1 000 euros pour l’achat d’un hybride rechargeable aura disparu alors qu’il sera réduit mais maintenu pour les purs électriques.
Pourquoi un tel revirement? Pour être vertueux, c’est-à-dire émettre le moins possible d’émissions de gaz à effet de serre, les hybrides rechargeables doivent être… rechargés. Ce qui n’est pas toujours le cas. En effet, le véhicule qui fonctionne à l’essence et à batterie est plus lourd qu’un pur thermique. Et lorsque la batterie est déchargée, le véhicule émet autant de CO2 que son homologue à essence. Or les constructeurs automobiles qui les vendent bénéficient d’un calcul avantageux de leur niveau moyen d’émissions de CO2, de 34 à 36 g de CO2 par km pour un modèle Captur hybride rechargeable contre 130 à 145 g/km pour sa version à essence. C’est leur intérêt de vendre des hybrides rechargeables plutôt que des véhicules diesel ou à essence. Le taux de C02 moyen calculé sur les ventes de l’année d’un constructeur ne doit pas dépasser 95 g de C02 par km, sous peine d’amende fixée par la Commission.
Mais comment les constructeurs peuvent-ils garantir que les conducteurs utilisent effectivement les batteries électriques? C’est cette incapacité à l’assurer qui mobilise les associations écologistes. «Les constructeurs cherchent surtout à bénéficier des crédits européens Cafe (Corporate Average Fuel Economy) qui s’appliquent à ces voitures grâce à des tests en laboratoire, argumente Diane Strauss, la représentante de Transport & Environment en France. Mais dans le monde réel, l’autonomie de la batterie est insuffisante pour des longs parcours. Ils font passer sous les radars CO2, tous les plus gros véhicules comme les SUV.» Les meilleures ventes d’hybrides rechargeables en France se portent sur des voitures plutôt haut de gamme. Parmi les best sellers, la 3008, la Mercedes GLC, le C5 Aircross, le Renault Captur, la Volvo XC40… L’ONG estime aussi qu’à terme, ces véhicules dont l’autonomie est peu importante vont saturer les points de recharge publique.
Il apparaît surtout que ce type de voitures qui rassure les conducteurs en raison du réservoir à essence ne convient pas à tous les usages. Il est plutôt destiné aux «commuters» qui font de temps en temps un long trajet sur route. «Avec les hybrides rechargeables, on a le meilleur des deux mondes avec un vrai usage de la batterie en ville et en zone périurbaine et sur l’autoroute, une consommation inférieure à celle d’un thermique, plaide Gilles Le Borgne, le directeur de l’ingénierie de Renault. L’été dernier, j’ai fait 4 000 km dont deux allers-retours entre Paris et Lannion en Captur hybride rechargeable avec une consommation moyenne de 3,5 litres pour 100 km et en commuting moins d’un litre pour 100 km.»
Transport & Environment reproche ainsi aux entreprises d’en équiper leur flotte de véhicules sans discernement: «Beaucoup font ce choix pour se donner bonne conscience alors que les salariés ne les utilisent pas comme ils devraient, observe Diane Strauss. Ce type de voiture menace les objectifs de réduction affichés pour attendre la neutralité carbone en 2050.»
«Il n’y aura pas un grand soir de l’électrique, estime Gilles Le Borgne. Entre le moteur thermique et le 100 % électrique, il y a plusieurs niveaux d’hybridation qui correspondent à des usages différents. D’abord le micro hybride qui assure le “stop and start” des voitures thermiques. Ensuite le mild hybride (le 48 volts), avec petite batterie de 500 watts qui va se généraliser sur les voitures à essence. Ensuite, le full hybride, avec les technologies de Toyota ou de Renault E-Tech, qui ont une batterie d’environ 1 kWh. Ensuite les hybrides rechargeables dont l’énergie des batteries varie de 8 à 13 kWh selon les modèles. Les pures électriques ont des autonomies très différentes entre la Spring et ses 27 kWh de batterie et la future Megane E avec ses 60 kWh. L’hydrogène sera peut-être la technologie idéale mais uniquement quand il sera accessible et propre.»
Mais bientôt, les constructeurs et les scrutateurs des émissions de CO2 en auront le cœur net. Fin 2021, tous les constructeurs auront équipé leurs nouveaux véhicules de compteurs de CO2 intégrés. Les arbitrages seront établis à la loyale.